[Maison de la Culture à Firminy]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0759 FIGRPT1380 06
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 24 x 18 cm (épr.)
historique Une barre de béton austère domine le stade de Firminy. Une tribune surdimensionnée ? Non. Ce "Mur de l'Atlantique", c'est la Maison de la culture que Le Corbusier a légué à la petite cité ouvrière. Un héritage qui, depuis près de vingt ans, est le prétexte de bagarres sans fin. Le dernier épisode en date pourrait être déterminant : la discussion du budget 1988 par le conseil d'administration de la MC décidera, peu ou prou, de l'avenir du lieu. "C'est le côté dur du bâtiment qui frappe en arrivant. L'aspect dégradé, brutal, comme la fin de quelque chose, un manque d'espoir". Gérard Guipont, l'actuel directeur de la MC de Firminy, a pris possession des lieux avec le sentiment d'avoir accepté "une mission impossible". Celle de redonner vie à une institution moribonde depuis de longues années. Nommé le 1er avril 1986, il avait pour tout bagage onze ans de responsabilités dans l'équipe dirigeante de la Maison des arts et loisirs de Thonon-les-Bains (une "maison Malraux" municipalisée en 1969) et la confiance d'un ami personnel : René Gachet, directeur régional des affaires culturelles. Deux ans plus tard, ce colosse tranquille au look terriblement "artiste" a perdu quelques illusions, mais gagné la conviction qu'il peut surmonter la crise. Une crise qui a éclaté en 1984, lors du départ simultané du précédent directeur de la MC et du président de l'association qui en a la charge. Sanctionnés pour mauvaise gestion, ils laissaient derrière eux une Maison à la limite du dépôt de bilan, avec un trou de huit cent mille francs sur un budget qui se montait à l'époque à quelque 3,5 millions. Entre 1984 et l'arrivée de Gérard Guipont : un inter-règne de deux ans. Deux années d'autogestion révélatrices d'un malaise profond. Les problèmes que pose le fonctionnement de la MC de Firminy sont tellement nombreux qu'on pourrait y voir un cas d'école destiné à illustrer la crise généralisée des Maisons de la culture. Il y a d'abord l'aspect politico-passionnel. La Maison de la culture de Firminy, c'est la marque tangible du règne municipal d'Eugène Claudius-Petit. Et les communistes, arrivés à la mairie en 1971, n'ont jamais éprouvé une passion immodérée pour l'architecture Le Corbusier. Un patrimoine dur à gérer dans une petite ville sinistrée par la crise économique. Théo Vial-Massat, le maire actuel, "déteste Le Corbusier", si l'on en croit Eugène Claudius-Petit. "Il considère que c'est le mal honteux de la ville, et n'a changé d'avis cette année que parce que L'Humanité" a fait trois pages sur l'architecte". En 1988, faute d'entretien, le toit de la Maison de la culture fuit de toutes parts. Il s'agit d'une structure particulière, posée sur des câbles en acier. "C'est à l'Etat de réparer", objecte la mairie, rappelant que le bâtiment est classé monument historique depuis 1984. Les élus communistes se retranchent également derrière la complexité du dossier technique. "Tous les experts que nous avons consultés étaient incapables de s'accorder sur la bonne méthode pour réparer", explique Jean Mallet, adjoint aux affaires culturelles. Il semblé que, finalement, les travaux pourront être effectués en 1989. Devis : entre 1,7 et 2 millions. "Le bâtiment part en brioche", commente, laconique, René Gachet. D'inquiétantes fissures dans les structures de béton indiqueraient même que la façade commence à souffrir de torsions... Autre handicap majeur : l'expérience a montré qu' "il faut une population d'au moins cent mille habitants pour qu'une ville puisse entretenir une Maison de la culture", comme l'explique René Gachet. Firminy est loin du compte, avec ses vingt-cinq mille habitants, dont mille deux cents chômeurs. Claudius-Petit voulait une Maison de la culture. Il l'a eu mais a dû revoir le projet à la baisse : la salle de spectacle initialement prévue n'est jamais sortie de terre, la rentabilité était à ce prix. Outil inachevé, la MC de Firminy était plus ou moins condamnée à n'être qu'une super-MJC, pour reprendre les termes de René Gachet. "Un des problèmes de cette maison est que, ces dernières années, le socio-culturel a tout doucement pris la place du culturel", renchérit Gérard Guipent. "C'est très satisfaisant pour l'environnement culturel, et la municipalité y tient. Mais cela ne rentre pas dans les missions premières d'une Maison de la culture". Désengagement de l'Etat Quel intérêt, dès lors, à maintenir un statut de "Maison Malraux" ? D'autant que la MCC de Saint-Etienne, organisme municipal, n'est qu'à vingt kilomètres et dispose de moyens autrement plus importants pour garantir le rayonnement culturel de la région. [...] Source : "Culture en friche à Firminy" / Philippe Bordes in Lyon Figaro, 26 janvier 1988, p.38-39.

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